JDS – FIEF

Un peu d’histoire : « Le fief désigne, durant l’époque médiévale et moderne, un bien ou un revenu, le bénéfice, confié en rétribution d’un service. Le fief consistait en général durant l’époque féodale en une tenure, une terre concédée à un vassal, à la charge de la foi et hommage et, éventuellement, de quelques autres devoirs envers son seigneur.

Cette pratique s’est développée au Moyen Âge suite à l’éclatement de l’Empire carolingien, et a ensuite présidé à l’établissement d’une aristocratie foncière. » Au-delà de cela, Fief est un jeu de diplomatie et de conquête, d’alliance et de trahisons qui fût créé dans les années 80 pour marquer à jamais de son aura le monde du jeu de société. Asyncron, en bon archéologue, a souhaité dépoussiérer le titre pour le proposer à nouveau avec un matériel plus adapté. L’éditeur ne s’est pas arrêté là, car soucieux de coller davantage aux standards actuels, durant de longues années, le titre a été revu et corrigé pour raccourcir le temps de partie et améliorer un jeu qui faisait déjà référence en l’état. Le pari est-il réussi ? Je vous propose de le découvrir dans les lignes qui suivent.

Ouvrons la boîte

La boîte offre un look volontairement rétro de fort bon goût. Se tenant droit devant un fond de paysage médiéval, un évêque, un seigneur en armure et une damoiselle vous font face. Les personnages centraux du jeu sont ainsi d’ores et déjà présentés.

Le livret haut en couleurs et abondamment illustré présente avec clarté et méthode l’imposante quantité de règles du jeu. La boîte comprend une multitude de pions qui représentent dans le désordre, les diverses troupes, les seigneurs, les machines de siège, les impôts, moulins, monnaie etc… Il y a de quoi faire mais une fois le jeu en place cette impression de profusion s’estompe pour laisser la place à une aire de jeu lisible.

Les cartes sont aussi nombreuses dans Fief, mais rassurez-vous des aides de jeu individuelles vous épauleront en reprenant leurs fonctions pour vous aider en cours de partie. Le plateau s’avère agréable à l’œil et bien agencé. Deux plateaux annexes viendront accueillir les diverses cartes. On peut regretter que ceux-ci ne soient pas cartonnés. Ajoutez à cela une bonne poignée de dés spécifiques et vous avez l’ensemble du contenu de la boîte. D’une manière globale, le matériel est très satisfaisant.

Oyez ! Oyez ! braves gens !

Le but du jeu est d’avoir 3 points de victoire seul ou 4 si vous vous alliez à un joueur (mariage). Un point de victoire se gagne en devenant le seigneur d’un Fief, en devenant pape ou roi.

Après avoir au préalable choisi votre localisation de départ, les choses sérieuses vont commencer. Le jeu, en bon jeu old-school, se déroule sous la forme d’une succession de phases durant lesquelles tous les joueurs vont jouer à tour de rôle avant de passer à la suivante. Bien que nombreuses, la plupart s’avèrent rapides, voire inexploitées selon les cas.

Dans un premier temps, les joueurs annonceront s’ils se marient pour former des alliances. Puis, ils pourront revendiquer des titres divers, procéder à des votes qui dépendront du nombre de territoires qu’ils possèdent dans les régions concernées ou encore du rang de leurs personnages.

Les évêques permettent de prélever des impôts sur leur évêché (au nombre de 5) et ont un pouvoir de vote non négligeable. Le pape, en plus de rapporter un point de victoire, est en quelque sorte un « super évêque » : il possède le pouvoir de révoquer un évêque ou de défaire les mariages. Enfin, le roi, qui rapporte un point de victoire, a quant à lui un pouvoir sur les nobles.

En seconde partie, vous pourrez piocher deux cartes, de deux types : des cartes personnages afin de poser de nouveaux nobles ou des cartes « évènements » qui apportent divers bonus comme de bonnes récoltes, des souterrains pour s’évader etc. Certaines cartes sont carrément plus perfides comme l’assassinat, ou la carte de justice qui permet de contrer un assassinat et éliminer le commanditaire (un régal !).

Durant la pioche de vos cartes, vous pourrez réveiller des calamités plus ou moins dévastatrices : la famine stoppera la production des moulins d’une zone, le mauvais temps empêchera tout mouvement et enfin la peste décimera la moitié de vos troupes et, une fois sur deux (jet de dé), vos seigneurs. La zone impactée correspond à un évêché désigné aléatoirement par le dé.

Vient la phase des revenus, gagnés en fonction de votre statut, d’éventuelles cartes d’imposition, de la taille de votre territoire et du nombre de moulins. L’argent récupéré est ensuite dépensé en fournitures militaires/défenses (châteaux, sergents, chevaliers, catapultes), en titres de noblesse ou en revendiquant un fief lorsque vous possédez le territoire complètement (le roi peut vous l’allouer gratuitement si vous êtes sous ses bonnes grâces), etc.

La dernière partie d’un tour voit se succéder une phase de déplacement puis de combats. Les forteresses apportent des bonus défensifs (parfois annulés par les catapultes ou certaines cartes), des alliances peuvent se former pour le combat sans qu’il y ait forcément mariage. Les combats terminés, libre à vous de piller le territoire en détruisant ses moulins.

Un des cœurs de la mécanique du jeu provient des pions de diplomatie qui permettent aux joueurs invités de s’écarter de la table pour négocier toutes sortes d’accords, voire les monnayer ! On conspire, on prévoit des assassinats, toutes sortes de fourberies. Chaque joueur dispose de trois pions prévus à cet effet qui donnent chacun 3 minutes de discussion en aparté.

Mon avis

Fief a su se moderniser pour atteindre des standards de durée bien plus acceptables sans pour autant perdre tout ce qui faisait le charme de son ancêtre. Certes la mécanique a un peu la lourdeur des vieilles productions, mais elle offre une richesse et un univers moyenâgeux que je n’ai jamais retrouvé dans aucun autre jeu ; et c’est là un de ses principaux atouts.

Pour reprendre une allégorie inspirée de l’univers de la moto, Fief est comparé aux productions plus modernes ce que le quatre‐cylindres est aux dernières motos à injection. On n’a pas le coup de pied au cul à l’accélération mais le couple dégagé permet d’être bien plus efficaces sur routes sinueuses.

En d’autres termes, la mécanique ancienne par phases qu’adopte le jeu sied à merveille pour retranscrire la complexité des luttes de pouvoirs et le découpage par castes des sociétés à cette époque. Au final, le jeu semble avoir parfaitement été optimisé entre l’objectif de départ et les moyens employés. Fief était un monument et va le rester grâce à cette nouvelle mouture.

On trouve de tout dans ce jeu mais sans indigestion : la diplomatie y est aussi importante que la stratégie pure et contrebalancera à merveille la malchance qui peut frapper aveuglément à cause des dés ou de la pioche de cartes évènements.

Attention néanmoins, même si les parties sont plus rapides qu’avant, à six joueurs on est bien loin des 2 h promises. Mais quand on aime… Et moi, j’aime énormément !

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